Réunie en formation solennelle, la chambre criminelle de la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence sur la question du transfert de responsabilité pénale à l’occasion d’une fusion-absorption par un arrêt du 25 novembre 2020. Cette solution met un terme à une forme d’impunité de la société absorbante pour les faits commis par la société absorbée antérieurement à cette opération de restructuration.
Jusqu’alors, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’était opposé à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). La CJUE interprétait les dispositions codifiées à l’article 105 de la directive 2017/1132 comme permettant la transmission à la société absorbante de l’obligation de payer une amende infligée après la fusion, pour des infractions commises par la société absorbée avant cette opération.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation considérait jusqu’alors que l’article 105 de la directive était dépourvu d’effet direct à l’encontre des personnes physiques ou morales. De surcroit, l’interprétation qu’elle faisait de l’article 121-1 du Code pénal, relatif au principe de personnalité des délits et des peines, interdisait que des poursuites pussent être engagées à l’encontre de la société absorbante pour des faits pénalement répréhensibles commis par la société absorbée avant la fusion-absorption.
Par cet important revirement de jurisprudence, la chambre criminelle juge qu’ « en cas de fusion-absorption d’une société par une autre société entrant dans le champ de la directive précitée, la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ».
La personne morale absorbée étant continuée par la société absorbante, cette dernière, qui bénéficie des mêmes droits que la société absorbée, peut se prévaloir de tout moyen de défense que celle-ci aurait pu invoquer.
En conséquence, le juge qui constate qu’il a été procédé à une opération de fusion-absorption entrant dans le champ de la directive précitée ayant entraîné la dissolution de la société mise en cause, peut, après avoir constaté que les faits objet des poursuites sont caractérisés, déclarer la société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d’amende ou de confiscation.
Cette solution nouvelle ne s’applique qu’aux opérations de fusion conclues postérieurement au 25 novembre 2020, date de prononcé de l’arrêt, afin de ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique découlant de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En tout état de cause, quelle que soit la date de la fusion ou la nature de la société concernée, la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée si l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu’elle constitue ainsi une fraude à la loi.
Crim. 25 nov. 2020, n° 18-86.955
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